Soutenir la cause du diabète et se dépasser, un pas à la fois
Fébriles à l’idée de participer au trek caritatif de Diabète Québec au Népal, nous étions un groupe de 13 marcheurs en quête d’aventure, dont certaines personnes diabétiques. Ce trek, nous nous y sommes engagés pour soutenir les personnes vivant avec le diabète au quotidien en amassant plus de 26 000 $ pour contribuer à l’avancement de la re- cherche. Découvrez le récit de notre équipe de marcheurs qui, pendant 11 jours de trek, a traversé les collines du Solu jusqu’au Lac sacré (4 500 m), surplombé par le Numbur (6 958 m), en empruntant des sentiers peu fréquentés de la région Sherpa qui a conservé toute son authenticité.
Enfin, le Jour J!
Après une longue préparation, le 8 mars, nous sommes fin prêts à relever ce beau défi dans l’espoir d’apercevoir le plus haut sommet au monde : l’Everest! C’est donc tout sourire que le groupe s’est donné rendez-vous à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau pour entamer ce voyage en direction de ce petit pays enclavé de l’Himalaya, bordé par la Chine et l’Inde. Pour certains, il s’agit d’une première expérience en Asie alors que pour d’autres, c’est l’occasion d’y retourner et de découvrir ou même redécouvrir le Népal, un pays riche en contraste. Après un premier souper à l’aéroport, nous décollons en direction de Doha au Qatar, notre seule escale, pour ensuite repartir vers Katmandou. Notre guide Richard des Karavaniers et son équipe nous attendent à l’aéroport international Tribhuvan, au petit matin, pour nous conduire à notre hôtel à Bhaktapur.
La vieille cité royale de Bhaktapur
Après une courte nuit, nous nous réveillons au cœur de la ville animée par le bruit des coqs, chiens, oiseaux et motos! À la première heure du jour, la ville fourmille déjà d’activités et les commerçants sont à pied d’œuvre. On sent d’ailleurs les arômes du marché local qui distribue ses agréables parfums. Après avoir déjeuné puis dégusté un succulent JuJu Dhau, le « roi des yogourts » qualifié du plus riche et plus crémeux au monde, nous partons à la découverte de cette ville culturelle qui renferme des trésors inestimables. Partiellement détruite lors du séisme de 2015, nous percevons encore les séquelles laissées sur certains édifices, mais on constate aussi les efforts de reconstruction qui se multiplient.
Nous visitons le Durbar Square, regroupant un ensemble de monuments historiques classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, un véritable musée à ciel ouvert. Notre guide prend le temps de nous résumer l’histoire du Népal. Alors que nous déambulons dans les rues, nous croisons de nombreux commerçants et agiles artisans qui nous vantent tous les mérites de leurs objets et œuvres. On trouve de tout : épices, fruits et légumes, bijoux, poteries, œuvres d’art, etc. Plus tard dans la journée, nous avons le bonheur de nous retrouver en plein cœur d’une cérémonie de mariage. La musique est au rendez-vous et les femmes arborent des saris aux couleurs flamboyantes! Au coucher du soleil, nous nous attablons dans un restaurant paisible pour notre premier souper de groupe en Pays Sherpa. Les effets du décalage horaire commencent à se faire sentir, une bonne nuit de sommeil nous fera le plus grand bien!
Le récit du trek
L’aventure commence… à bord d’un véhicule tout-terrain!
À 4 heures du matin, nous mettons le cap en direction de Dorpu, à plus de neuf heures de route! Sacs à lunch à la main, nous traversons une route spectaculaire, sinueuse (et parfois hasardeuse) à travers des villages recelant des paysages plus grands que nature avec, en fond de scène, la fabuleuse chaîne himalayenne. Summum de l’émerveillement, nous voyons enfin poindre à l’horizon l’Everest! Nous marquons une pause pour capter ce moment magique avant de reprendre la route. Arrivés à destination, nous rencontrons notre équipe locale, dirigée par Tendee, le maître sherpa (aussi appelé le sirdar), qui avec l’aide de son équipe (cuisiniers et porteurs), veillera à notre bien-être tout au long du voyage. Nous entamons ensuite le trek, dans le but de nous dégourdir les jambes, avec une montée qui nous permettra d’atteindre le village de Chyalsa deux heures plus tard. Sur notre chemin, nous apercevons déjà quelques monastères et croisons deux chiens qui nous suivront jusqu’au campement qui surplombe les montagnes. Le paysage est féérique! Une fois arrivés à destination, la tradition veut que nous prenions le thé accompagné de biscuits avant de nous installer dans notre tente. À la tombée du jour, la nuit se révèle fraîche. Nous prenons un bon repas et découvrons les momos, de petits raviolis farcis et cuits à la vapeur puis le dal bhat, le plat de base des Népalais composé de riz, d’une soupe aux lentilles et d’un curry de légumes, un pur délice! Nous admirons le ciel étoilé qui laisse présager une magnifique journée pour notre première journée complète de trek.
Des allures de printemps
Les jours 2 et 3 du trek nous mèneront de Chyalsa à Thuldunga, de petits villages rustiques perchés dont les habitants vivent principalement d’agriculture et d’artisanat. Dès 6 h, pour faire le plein d’énergie, on nous sert le thé accompagné d’un bon gruau alors que nous prenons soin de contempler un décor paradisiaque qui laisse poindre au loin l’Everest et ses sommets enneigés. Sur notre parcours, nous apercevons des rhododendrons en fleurs, signe que le printemps s’installe. Près de sept heures nous séparent de notre prochaine destination… En chemin, nous faisons une courte escale pour visiter un petit musée à Sombaré qui, après avoir été fermé pendant quelques années, n’a été ouvert qu’un court instant uniquement pour nous, puisque le plancher s’est effondré sous nos pieds! Heureusement, personne n’a été blessé dans cette mésaventure. Nous assistons ensuite à deux événements spontanés, soit la rentrée des classes et notre deuxième mariage!
On s’imprègne de la culture
Le jour 4, nous partons de Thuldunga en direction de Phuleli, un village d’artisans situé à trois heures de marche. Notre campement dans une cour d’école offre un panorama splendide! Tendee en profite pour nous faire visiter le village et nous amène chez une famille d’artisans. Entourée de ses enfants et de quelques voisins intrigués par notre présence, la mère de famille répond gentiment à nos questions concernant leur mode de vie. Nous remarquons rapidement qu’aux quatre coins de la maison modeste, de nombreux trophées sont étalés et nous découvrons que cette dernière est une championne nationale de volleyball! De retour au campement, nous profitons du beau temps pour nous divertir en faisant des mots croisés, un peu de lecture et en jouant à des jeux de société. Nous remettons ensuite des cadeaux (jouets, vêtements, etc.) aux parents d’enfants du village qui nous expriment toute leur gratitude. Certains apprennent à jouer au yo-yo pour la première fois et nous avons beaucoup de plaisir.
À la découverte d’un monastère de moines bouddhistes
Le jour 5, nous poursuivons notre ascension pendant six heures vers le village de Taksindu, qui abrite un monastère bouddhiste. En chemin, nous croisons deux Népalaises en pleine fabrication d’alcool à base de millet et nous avons le privilège de goûter au produit de cette minuscule distillerie artisanale. Nous nous arrêtons ensuite à Chulemu, d’abord au Centre communautaire créé après le séisme de 2015 par l’équipe de Karavaniers, l’agence derrière notre fabuleux voyage. Nous nous rendons ensuite chez Tendee, où l’équipe s’affaire déjà à préparer le dîner. On visite sa maison, on prend place dans sa salle commune qui tient à la fois de chambre, salon et salle à manger, pour déguster le repas et l’on termine cette pause en profitant des paysages à couper le souffle qui se déploient devant sa petite demeure. À notre arrivée à Taksindu, où nous passerons les deux prochaines journées, nous croisons des moines bouddhistes qui sont aussi intrigués par notre présence que nous le sommes par la leur. Au loin, on aperçoit des moines qui s’adonnent à un match de soccer sur fond de scène la chaîne himalayenne (il y a pire comme terrain de jeu!)
Le jour 6 de la randonnée, une belle surprise nous attend alors qu’on nous fait l’honneur d’assister à une messe (une puja) créée spécialement à notre intention. Nous sommes choyés de pouvoir y prendre part et ébahis par la beauté des rituels et des chants. Nous faisons ensuite le tour du site pour constater, à notre grand désarroi, que certains des édifices ont subi les contrecoups du tremblement de terre de 2015. Pendant le déjeuner, nous avons des discussions intéressantes avec le professeur en chef du monastère et pendant le dîner, avec les parents de Tendee, qui nous racontent les aventures fascinantes de leurs fils Babu Chiri, Sherpa détenteur de plusieurs records sur l’Everest. Fait inusité lors de notre séjour au monastère, nous faisons la rencontre d’un chien errant, que nous prénommons affectueusement Ti-Mé. Ce dernier poursuivra le périple en notre compagnie. Il nous a accompagnés en altitude, est resté à nos côtés à tous les campements et emprunté tous les sentiers avec nous jusqu’à la fin de notre trek. Un coup de cœur mutuel! Il est devenu notre mascotte, et nous sommes devenus ses parents. Heureusement, après notre départ, il est demeuré le fidèle compagnon de Tendee qui a décidé de le prendre sous son aile, ce qui nous a tous beaucoup rassurés. Nous nous sommes vite attachés à ce dernier qui de jour en jour est passé de chien errant en piteux état à chien de compagnie bien nanti.
Des allures de film fantastique
À partir du jour 7, nous prenons de l’altitude pour atteindre notre prochaine destination, Thimba, située près de Sarkariparti. En route, nous nous arrêtons pour la pause du dîner à la croisée des chemins menant vers le camp de base de l’Everest. Pour l’une des rares fois pendant notre trek, nous croisons quelques marcheurs. Nous traversons ensuite des paysages magnifiques qui nous semblent directement sortis d’un décor de film. Nous entrons dans une forêt enchantée qui laisse poindre, sur un fond de neige, des arbres gigantesques de diverses formes, couverts de mousse. Nous sommes émerveillés par toute cette beauté! À la pénombre, comme le froid s’installe, nous nous réchauffons près d’un feu de camp avant de nous coucher.
On se rapproche de notre objectif!
Au jour 8 du trek, nous montons en altitude pour atteindre Sasarbeni. Toutefois, la traversée dans la neige sur des sentiers glissants et parfois périlleux complique les choses et rend la visibilité difficile. Nous montons notre tente pour les deux prochaines nuits au Kharka situé à 4 000 mètres d’altitude, soit un site de pâturage d’altitude utilisé pendant la mousson par des familles sherpas. Un imposant yak (semblable à un bœuf) nous y accueille et passera les deux prochaines journées en notre compagnie. Notre première nuit sur ce site sera très froide alors que le mercure atteint -15 degrés!
En ce début du jour 9, nous sommes de plus en plus fébriles à l’idée d’atteindre notre objectif ultime, le Lac sacré, nommé Dudh Kunda, situé à 4 500 mètres d’altitude! Ce site revêt une haute importance pour les Sherpas du Solu-Khumbu. Pour les pèlerins bouddhistes et hindous, la croyance veut que si vous vous baignez dans ce lac sacré, tous vos péchés s’envolent et vos vœux sont exaucés.
Depuis notre campement, il nous faudra un peu moins de deux heures pour l’atteindre, mais le souffle est de plus en plus court pour certains d’entre nous. À notre arrivée, nous découvrons un site magnifique au pied des montagnes géantes Khatang, Karyolung et Numbur. Nous sommes éblouis par de telles merveilles et si fiers d’avoir relevé en équipe, un pas à la fois, ce défi avec brio! L’émotion est à son comble alors que tous se félicitent d’avoir accompli ce bel exploit! Quelques participants en profitent pour accrocher à des rochers des drapeaux de prières (aussi appelés chevaux du vent) reçus par notre guide au début du voyage et d’autres, des foulards blancs que des villageois nous ont gentiment remis pendant notre trek. Chaque drapeau de prière a sa propre symbolique apportant paix, compassion, bénédiction et protection et, une fois qu’il est hissé, nos vœux sont emportés aux quatre vents.
Après avoir cassé la croûte, nous repartons vers le campement. Notre retour sera plutôt difficile, car le vent se lève et les rafales de neige s’intensifient. Si bien qu’à peine arrivés à destination, nous prenons le thé et un repas puis retournons vers nos tentes pour nous coucher. Une autre nuit froide nous attend alors que les chutes de neige reprennent de plus belle et le mercure affiche maintenant -10 degrés.
Dernière étape de notre trek…
L’avant-dernier jour du trek, à notre réveil, le blanc tapisse le sol et recouvre nos tentes. Comme la météo n’est pas très clémente, nous n’avons d’autre choix que de modifier notre itinéraire puisque dans le sentier que nous avions prévu emprunter, nous aurions eu de la neige jusqu’à la taille! Nous partons donc pour une très longue randonnée qui nous mènera plus de 9 h plus tard à Rigmu, où nous coucherons dans la cour d’un gîte. Les risques de chutes liées à la fatigue nous menacent de plus en plus et la dernière étape de notre descente nous semble interminable. C’est donc avec un grand soulagement que nous arrivons à destination indemnes, en ayant le sentiment du devoir accompli. Au gîte, nous avons le bonheur de croiser quelques marcheurs avec qui nous faisons un brin de conversation. Une belle surprise nous attend alors que Richard nous a préparé un 5 à 7 bien spécial pour récompenser nos efforts. Il nous offre rien de moins que du porto et du foie gras, un vrai régal! Il faut dire que lors de nos repas en randonnée, il surnomme affectueusement «foie gras» et «filet mignon» les viandes en conserve qu’on nous sert. Richard et son humour… heureusement cette fois-ci, c’était du vrai foie gras!
Le dernier jour de notre randonnée, nous partons en direction de Phaplu, dernière destination avant le retour vers Katmandou. Nous visitons en chemin un monastère à Chiwang perché à flanc de montagne et en profitons pour dîner sur place. Cette nuit sera notre dernière en campement et nous rêvons d’un lit douillet et d’une bonne douche chaude.
Au lever, nous faisons nos derniers adieux à notre équipe locale (et à Ti-Mé) et en profitons pour les remercier chaleureusement pour tout ce qu’ils ont fait pour nous. C’est à bord d’un petit avion que nous nous envolons en direction de Katmandou. Nous en profitons pour admirer les somptueux paysages et distinguons nettement la chaîne himalayenne qui se déploie sous nos regards émerveillés (ceci nous confirme que les sentiers plats sont chose rare dans ce coin de pays). Le panorama est spectaculaire!
À la découverte de la capitale
Nous profitons des derniers moments pour visiter Katmandou. Le quartier touristique de Thamel, l’endroit où nous séjournons, mais aussi le Durbar Square et le marché local. Nous visitons aussi le plus célèbre temple bouddhiste de Swayambhunath (ou Temple des singes) et d’autres monuments historiques intéressants de cette ancienne capitale newari.
Pour notre dernière soirée, nous sommes invités à prendre un verre au Garden of Dreams, un véritable havre de paix pour échapper à la cohue de la capitale. Nous prenons ensuite notre souper d’adieu, non sans un pincement au cœur, à l’hôtel Yak&Yeti, le plus ancien de Katmandou. Ce monument historique a été fondé par le célèbre Boris Lissanevitch, reconnu comme le parrain du tourisme au Népal. Nous nous dirigeons ensuite vers l’aéroport en fin de soirée pour le vol vers Montréal.
Participer à un trek caritatif, c’est relever un défi, sortir des sentiers battus, se surpasser et apprendre à mieux connaître ses limites. En 11 jours de trek, notre groupe tissé serré où l’entraide et la solidarité étaient toujours au rendez-vous, a parcouru plus de 100 kilomètres en quelques 55 heures et a réussi, un pas à la fois, à surmonter les obstacles afin d’atteindre l’objectif ultime! Félicitations à tous pour ce bel accomplissement et plus particulièrement aux personnes diabétiques qui nous ont démontré leur grande force, leur persévérance et que «tout est possible»! Ils sont la preuve que le diabète ne devrait pas empêcher la poursuite de nos rêves. Un énorme merci à tous les généreux donateurs qui, par leur contribution, permettront de faire avancer la recherche sur le diabète, à notre fabuleuse équipe locale et à l’agence Karavaniers pour l’organisation exemplaire de ce magnifique voyage.
Cette expérience fut extraordinaire et il ne fait nul doute que les souvenirs resteront à jamais gravés dans notre mémoire. Namasté.
Récit de Caroline Duguay
Paru dans le Plein Soleil Été 2019