La diète cétogène suscite un intérêt grandissant auprès des personnes diabétiques de type 2 car elle aurait des bienfaits, entre autres, sur le poids et le contrôle de la glycémie (taux de sucre dans le sang). Il est cependant prématuré de recommander l’adoption de la diète cétogène à une personne diabétique compte tenu du manque de connaissances sur ses effets à moyen et à long termes. À l’instar des autres régimes à caractère très restrictif, la diète cétogène est difficile à maintenir plus de quelques mois et peut entraîner des excès alimentaires en réaction aux privations.

Qu’est-ce que la diète cétogène?

La diète cétogène, aussi appelée «diète très faible en glucides» ou «very low carb diet» contient principalement des gras (lipides) et très peu de glucides. Selon les études, la teneur en glucides peut varier entre 20 et 50 g par jour. C’est le niveau à partir duquel on observe la production de corps cétoniques. À titre comparatif, l’alimentation actuellement recommandée aux personnes diabétiques (diète conventionnelle) et présentée sous la forme de l’assiette équilibrée fournit entre 130 et 225 g de glucides par jour! La diète conventionnelle procure suffisamment de glucides pour combler les besoins du cerveau, estimés à 130 g par jour.

Tableau comparatif de la diète conventionnelle et de la diète cétogène

Diète conventionnelle Diète cétogène
Caractéristiques  Variété, modération

Comble les besoins en vitamines, minéraux, fibres et autres éléments nutritifs tels que les antioxydants

Faible en gras saturés et sucres ajoutés

Faible variété, certains aliments interdits

Riche en lipides

Faible en vitamines et minéraux, en fibres

Pas de sucres ajoutés

Composition Riche en glucides : 130 à 225 g par jour

Modéré en protéines et lipides

Très faible en glucides : 20 à 50 g par jour

Riche en lipides

Modéré ou riche en protéines

Aliments Légumes et fruits

Féculents à grains entiers

Viandes, tofu, légumineuses, œufs, poisson, volaille, fromage

Lait et substituts

Noix et graines

Huile d’olive et de canola

Viande rouge, volaille, œufs, poisson, charcuteries, fromage

Gras (huile, beurre, crème, noix)

Légumes faibles en glucides seulement tels que légumes verts et feuillus

1 portion par jour de féculents

1 ½ portion par jour de lait et substituts

Absence de fruits et de légumineuses

Ce tableau fait ressortir des différences importantes entre les 2 types de diètes. Notamment, la diète conventionnelle favorise la variété et n’exclut aucun groupe d’aliments, ce qui augmente sa valeur nutritive.

Adaptation du corps en situation de restriction sévère en glucides

Pour fonctionner tout au long de la journée, le corps a besoin d’énergie qu’il puise dans les aliments que nous mangeons. Normalement, les glucides constituent sa principale source d’énergie. Dans la diète cétogène, les lipides prennent la relève du glucose à titre de carburant. Le cerveau constitue l’exception car une barrière naturelle bloque l’accès aux lipides. En cas de restriction sévère en glucides, comme dans la diète cétogène, le cerveau doit donc recourir à une source alternative d’énergie appelée «corps cétoniques».

Lors des premiers jours d’une diète cétogène, le corps réagit en puisant son énergie dans les réserves de glucose stockées dans le foie et les muscles. L’utilisation de ces réserves libère une quantité importante d’eau qui est éliminée dans les urines, entraînant une perte de poids temporaire et rapide due à la déshydratation. Une fois les réserves de glucose épuisées, le foie utilise les lipides et les protéines pour fournir de l’énergie à l’organisme. La dégradation des lipides par le foie génère des corps cétoniques qui sont prioritairement utilisés pour alimenter le cerveau. Une partie des corps cétoniques sont éliminés par la respiration, ce qui explique l’haleine «fruitée» présente chez les personnes qui suivent cette diète.

Outre cette haleine désagréable, certains effets indésirables surviennent habituellement durant les premières semaines suivant le début de la diète cétogène. Les plus fréquemment rapportés sont la fatigue, les maux de tête, les étourdissements, les nausées et les crampes musculaires. L’hypoglycémie peut également survenir chez certaines personnes diabétiques en fonction de leur médication.1 La constipation s’installe rapidement et persiste à cause du manque de fibres. Ce problème est accentué en présence d’une hydratation insuffisante.

Efficacité de la diète cétogène

De nombreux bienfaits sont attribués à la diète cétogène. Cependant, plusieurs lacunes dans les études recensées limitent la portée des résultats obtenus et rendent difficiles l’évaluation de cette diète.

Voici les principales faiblesses de ces études :

  • Grande variabilité, entre les études, de la quantité de glucides des diètes cétogènes testées; certaines diètes qualifiées de cétogènes pouvaient fournir jusqu’à 125 g de glucides par jour!
  • Manque d’uniformité dans la composition de la diète cétogène en ce qui a trait au type de gras et de protéines à consommer ainsi que la quantité de légumes.
  • Certaines diètes conventionnelles testées ne respectaient pas les recommandations et contenaient une proportion importante de féculents raffinés et d’aliments avec sucre ajouté.
  • Incapacité de vérifier si les participants maintenaient réellement leur adhésion à la diète assignée (cétogène ou conventionnelle) jusqu’au terme de l’étude.
  • Études à court terme, nombreux biais, pas de distinction entre les personnes diabétiques et les non-diabétiques, absence de groupe contrôle, petit nombre de participants, etc.

Effet sur le poids

Lorsqu’il y a une restriction importante en calories la diète cétogène procure une perte de poids importante, comparable à celle des autres régimes également très restrictifs, dans un intervalle de 2 à 6 mois. Dans ce cas, la perte de poids observée dans la diète cétogène semble causée par la diminution des calories consommées, plutôt que par la restriction des glucides. Après 1 à 2 ans, les pertes de poids observées sont modestes et semblables pour toutes ces diètes. L’incapacité de maintenir de telles diètes au-delà de 6 mois explique ces résultats.

Qu’en est-il des effets sur le poids lorsque que les diètes ne sont pas restreintes en calories? Les études réalisées auprès de personnes diabétiques de type 2 présentant un excès de poids démontrent qu’après 1 et 2 ans, la diète cétogène procure une perte de poids modeste et similaire à celle de la diète conventionnelle. La diminution ou la perte d’appétit qui serait associée à la présence de corps cétoniques dans le sang ne semble donc pas persister à long terme. Il n’a également pas été possible de démontrer que l’utilisation intensive des gras dans la diète cétogène serait plus efficace pour augmenter le métabolisme de base que la diète conventionnelle.

En bref, la diète cétogène ne semble pas plus efficace à long terme pour perdre du poids que la diète conventionnelle.

Effets sur le contrôle de la glycémie

Il serait prévisible d’observer une diminution de l’A1C (hémoglobine glyquée) chez une personne diabétique qui suit une diète cétogène car la quantité de glucides consommée est minime. Sur une période de 3 à 6 mois, les études ont démontré une réduction plus importante de l’A1C avec la diète cétogène qu’avec la diète conventionnelle. Cependant, cette différence n’était plus présente après 1 an.

Une baisse de la médication antidiabétique a également été observée à court terme avec la diète cétogène, mais les résultats à long terme sont contradictoires.

Quelques études récentes suggèrent que la diète cétogène serait plus efficace que la diète conventionnelle pour réduire les écarts de glycémie liés aux repas mais ces résultats restent à confirmer dans des études de plus grande envergure.

En bref, la diète cétogène semble réduire l’A1C à court terme mais les résultats ne sont pas concluants à long terme.

Effets sur les lipides sanguins et les maladies cardiovasculaires

L’effet de la diète cétogène sur les lipides sanguins n’est pas clair. Les études effectuées auprès de personnes diabétiques de type 2, comparant la diète cétogène à la diète conventionnelle ont montré des effets similaires sur le LDL-C (mauvais cholestérol) et le HDL-C (bon cholestérol) à court et à moyen termes.

Cependant, la quantité importante de gras présents dans la diète cétogène et le peu d’importance accordé au type de gras consommé peut avoir un impact important sur les lipides sanguins. Ainsi, on observe souvent dans cette diète la prédominance d’aliments riches en gras saturés d’origine animale tels que le bacon, les viandes rouges, la crème et le beurre. La consommation de ces aliments est associée à l’augmentation du LDL-C, un facteur de risque reconnu de maladie cardiovasculaire. Il serait intéressant que des études évaluent l’effet sur les lipides sanguins d’une diète cétogène en fonction de sa composition en différents types de gras.

Effets à long terme de la diète cétogène

À ce jour, les effets à long terme de la diète cétogène sont encore inconnus car la durée des études ne dépasse pas 2 ans. Cependant, plusieurs chercheurs s’inquiètent de ses impacts potentiellement néfastes sur la santé. La faible consommation de certains aliments comme les fruits, les légumes et les produits céréaliers à grains entiers dont les effets protecteurs contre certaines maladies cardiovasculaires et le cancer sont reconnus, pourrait également entraîner des déficiences en certains minéraux, vitamines, et antioxydants à moyen terme. Outre la constipation chronique, le manque de fibres de cette diète pourrait générer d’autres effets négatifs sur la santé intestinale en perturbant le microbiote (flore intestinale). Ce déséquilibre pourrait ainsi diminuer l’efficacité du système immunitaire.

Quelques précautions si vous décidez de suivre une diète cétogène

Si vous décidez tout de même d’adopter une diète cétogène, voici quelques moyens pour atténuer ses effets secondaires indésirables potentiels :

  • Mesurer votre glycémie plus souvent si vous êtes à risque d’hypoglycémie1 ;
  • Prendre une multivitamine et des suppléments de fibres alimentaires;
  • Bien s’hydrater avec de l’eau tout au long de la journée;
  • Consommer des légumes faibles en glucides plutôt que d’éliminer complètement les légumes (ex. poivrons, brocoli, laitue, concombre, etc.);
  • Consommer des aliments riches en calcium tels que : fromages fermes, yogourt, amandes, etc.
  • Privilégier les bons gras pour la santé du cœur présents dans des aliments comme l’huile d’olive et de canola, les noix et les poissons gras.

En conclusion, à l’opposé des diètes miracles, la diète conventionnelle, représentée par le modèle de l’assiette équilibrée, propose à la personne diabétique et à son entourage une alimentation variée, soutenable à long terme et où le plaisir de manger est au rendez-vous. Les diètes méditerranéenne ou végétarienne sont également des options intéressantes. Le choix d’une ou l’autre de ces diètes dépend des préférences de chacun puisqu’elles ont toutes démontré leurs effets bénéfiques pour la santé des personnes diabétiques de type 2.

1. Personnes à risque d’hypoglycémie : sous insuline ou prenant des secrétagogues de l’insuline tels que Gliclazide (DiamicronMD et Diamicron MRMD), Glimépiride (AmarylMD), Glyburide (DiabetaMD, EugluconMD), Répaglinide (GlucoNormMD).

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Recherche et rédaction : Équipe de diététistes/nutritionnistes de Diabète Québec

Adapté de : Andrée Gagné et Célia Scaramuzzino (Printemps 2018). La diète cétogène : un choix judicieux pour les personnes diabétiques? Plein Soleil, Diabète Québec, p.14

Avril 2019

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